CANCER DU SEIN – Cancer, les Seins s’en sortent
« Le cancer du sein reste la maladie la plus courante chez les personnes âgées. » Le Dr Brigitte Salama, gynécologue, qui a accordé une interview à VIVE-LES-SENIORS à propos de ce cancer, spécifiquement féminin, estime qu’il est devenu « une maladie comme une autre, puisqu’il guérit ». Encore faut-il respecter les règles de prévention, essentielles !
L’INTERVIEW
Dr Salama par Isabelle Chicot
* Anti-aromatases (ou inhibiteurs de l’aromatase) : médicaments qui combattent l’aromatase, une enzyme qui permet à l’organisme de continuer à produire des œstrogènes par transformation des androgènes chez la femme ménopausée.
* Ganglions sentinelles : premiers ganglions axillaires -situés dans les aisselles-, (les plus proches de la tumeur) susceptibles d’être envahis par les cellules cancéreuses.
PAR PRÉVENTION, ON ENTEND :
1- Suivi régulier qui consiste en une palpation (seins et aisselles) et une mammographie tous les deux ans -tous les ans s’il y a des antécédents familiaux ou si on a déjà été atteinte d’un cancer du sein.
2- Consultation spontanée systématique et instantanée chez son médecin traitant, son gynécologue ou son gériatre dès l’apparition de symptômes suspects -souvent liés à de la fatigue- : nouvelle grosseur persistante ou formation d’une bosse sur un sein, modification d’un mamelon ou de la peau du sein,-rougeurs, desquamation… -, écoulement au niveau des mamelons, douleur au niveau d’un sein. URGENCE ABSOLUE : gonflement de l’aisselle qui peut signifier que l’infection s’est propagée sur d’autres parties du corps.
De nombreuses campagnes de sensibilisation au cancer du sein sont organisées, ainsi que des journées d’information, notamment durant « Octobre Rose ».
CANCER DIAGNOSTIQUÉ ? QUE S’EST-IL PASSÉ ? Certaines cellules se sont mises à proliférer de façon excessive, anarchique et incontrôlée. Déréglées, ces cellules ont fini par former une masse, cette fameuse tumeur, maligne. La tumeur, de forme arrondie, est entourée de rayons semblables aux pattes d’un crabe ; Hippocrate fit le premier le parallèle entre crabe et son homonyme, latin, le cancer : l’analogie entre l’aspect des tumeurs du sein qui s’étendent sur la peau et cet animal inquiétant n’est pas pour rassurer les femmes devant cette maladie qui touche leur féminité ! Pourtant, « la connotation cancer du sein ne devrait plus faire peur, puisque quiconque respecte les règles d’une prévention, essentielle, en guérit. » déclare le Dr Salama.
POURQUOI CES CELLULES FOLLES ? Pourquoi ces cellules s’affolent -t-elles ? Pourquoi la maladie touche une femme plutôt qu’une autre ? On ne le sait pas vraiment. Certains voient dans le cancer du sein une réponse à un traumatisme ou à un problème tangible ou plus profondément ancré. D’autres pensent que le hasard distribue la maladie à sa guise. Que penser sans preuve scientifique ? Les facteurs prédictifs sont mal connus. Ce que l’on sait c’est que la prévention réduit énormément les risques, ce pour toutes les femmes ; on sait aussi que les femmes sont particulièrement visées par ce cancer après 60 ans, que, même après 80 ans, elles ne sont pas intouchables. (30% des cancers du sein surviennent après 70 ans) ! En vieillissant, les cellules saines de nos seins, en développant des mutations, deviendraient cancéreuses !
On a constaté également que, parmi les femmes senior, le risque est accru quand elles ont une poitrine généreuse, -tissus fibreux et glandulaires en grande quantité- quand elles ont de nombreux grains de beauté sur la peau, quand elles sont en surpoids, puis, la faute aux hormones, capricieuses, quand elles n’ont pas eu d’enfant, quand le début de leurs règles a été précoce ou que leur ménopause s’est manifestée tardivement -après 55 ans. Enfin entre en compte le patrimoine génétique : pour 10 % des cas environ, si on a des cancers du sein dans son entourage familial, on devient ce qu’on appelle une femme à risque.
IDÉES REÇUES : ni le port d’un soutien gorge, ni l‘utilisation de déodorants ou d’anti- transpirants sous les aisselles, ni les implants mammaires ne peuvent être tenus pour responsables d’un cancer du sein. Les implants mammaires rendent seulement plus difficile la surveillance.
DE LA SUSPICION AU DIAGNOSTIC ! Palpation ou mammographie critique ? Pas de de panique : toutes les grosseurs ou anomalies du sein ne sont pas des cancers, loin de là : les études estiment que 60 à 80 % sont bénignes.
Après le doute, l’action : l’investigation approfondie -immédiatement prescrite par le médecin consulté après un symptôme suspect, consiste en examens d’imagerie mammaire complémentaires -ultrasons et IRM permettent de représenter la masse à l’intérieur et sur les seins. La biopsie -prélèvement et analyse d’un petit morceau de tissu- viendra donner des précisions sur l’ampleur de la tumeur et ses caractéristiques.
MÉTASTASE, MAUVAISE NOUVELLE ! La détection précoce d’une tumeur maligne évite sa prolifération, augmente en conséquence les chances de guérison et réduit la durée et la lourdeur du traitement. Si la tumeur détectée est traitée dès sont apparition, on évite que les cellules anormales s’infiltrent dans les tissus adjacents ou/et dans l’organisme via les vaisseaux lymphatiques et sanguins pour former des tumeurs à distance appelées métastases. Là ça se gâte sérieusement !
WARNING : il faut regarder le risque en face puisqu’il est faible ! Ne pas attribuer à l’âge certains des symptômes du cancer du sein -fatigue, douleur, etc.- Ne pas faire abstraction des consultations préventives par PEUR du verdict : de la réactions des autres qui vont vous regarder comme une « cancéreuse », de la réaction du conjoint -il a horreur de la maladie et il va devoir se débrouiller seul, le temps traiter la maladie sereinement-. (Il existe, pour un conjoint fragile, des mises en place d’un dispositif personnalisé -accueil de jour, accueil temporaire en maison de retraite, accompagnements à domicile (aides ménagères, auxiliaires de vie, etc.). Le Dr Salama dit de la peur que c’est de la connerie quand on sait parfaitement que plus on attend, plus on risque une aggravation de la maladie et des traitements lourds. Ne pas imiter notre regretté Jean-Louis Trintignant qui disait : «Avant j’avais peur d’avoir un cancer, maintenant je n’ai plus peur, j’en ai un ! » WARNING : les dépistages organisés des cancers du sein ne sont malheureusement plus proposés à partir de 75 ans. Pourtant le risque demeure. WARNING : qu’on se le dise, qu’on se le répète : pour chaque maladie, c’est la même rengaine ! La santé est exigeante : pas de tabac, consommation d’alcool modérée, pratique régulière d’activité sportive, alimentation saine, pas de surpoids qui favorise le développement de la maladie.
TRAITEMENTS À LA CARTE ! Les cancers du sein sont désormais traités au cas par cas. La stratégie -chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie- varie en fonction des caractéristiques du cancer, du stade de la maladie, et de l’évaluation gériatrique qui prend en compte le ressenti de la patiente et lui propose du « sur mesure ». À noter : le gériatre a un rôle primordial à jouer quand une patiente hésite à se faire « traiter ». Des arguments à mettre avant : la prise en charge des personnes âgées s’améliore d’année en année ; une attention particulière est portée à l’anesthésie et au péri opératoire afin de minimiser les complications post opératoires. Parmi les traitements les plus courants :
-Mastectomie : intervention chirurgicale destinée à effectuer l’ablation d’un sein. Double mastectomie : ablation des deux seins.
-Tumorectomie : intervention chirurgicale -dite conservatrice-, destinée à enlever la tumeur maligne, plus une marge de tissu autour. Le sein est remodelé avec la glande restante.
-Chimiothérapie : traitement des cellules cancéreuses par substances médicamenteuses, sous forme de pilule, de crème, d’injection ou par voie intraveineuse. Effets secondaires possibles : perte de cheveux, fatigue, nausées et/ou vomissements.
-Radiothérapie : destruction des cellules cancéreuses par l’utilisation de « rayons » ou « radiations » destinés à bloquer leur capacité à se multiplier. La radiothérapie est souvent associée à une tumorectomie afin de garantir la destruction totale de la partie cancéreuse. Effets secondaires les plus fréquents : sécheresse de la bouche, perte du goût.
-Hormonothérapie : limitation de la croissance des cellules cancéreuses par réduction d’un taux d’hormones élevé qui favorise leur développement.
FIN DE TRAITEMENT ET EFFETS SECONDAIRES ! Même lorsque le traitement principal est terminé, on peut continuer à ressentir des effets secondaires qui peuvent perdurer pendant des années – voire toute une vie dans le cas du cancer du sein métastatique. Certains effets peuvent être physiques : fatigue, neuropathie, manque de salive, modifications de la peau, picotements ou engourdissement des extrémités, tiraillements et douleurs, symptômes de la ménopause, etc ; d’autres peuvent être de nature émotionnelle : dépression, anxiété ou peur des récidives, problèmes relationnels, etc.
Les traitements comme les thérapies ciblées ou les thérapies hormonales, peuvent également perdurer jusqu’à 10 ans après la chimiothérapie, la radiothérapie ou la chirurgie. Pour les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique, le traitement se poursuivra jusqu’à la fin de leur vie. La prévention secondaire – après un cancer – permet de réduire le risque de récidive.
PRISE EN CHARGE ! Les consultations, examens -mammographie, IRM ….-, les interventions et les soins -chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie- ainsi que les médicaments sont pris en charge à 100% par la sécurité sociale -sauf dépassements d’honoraires-. Les perruques, considérées comme des prothèses, peuvent également être prises en charge dans les cas de perte de cheveux.
Là où le bas blesse, c’est au sujet des médecines « complémentaires » qui, elles, ne sont pas prises en charge par la sécurité sociale, seulement par certaines mutuelles si cela est spécifié dans le contrat. Pas question de faire l’impasse sur les traitements conventionnels qui font l’essentiel du travail, mais ces médecines soulagent les patientes dont on a chahuté le corps et torturé l’esprit, qui ont subi l’appréhension, la douleur, le traumatisme, une atteinte dans leur féminité. Préparer et soutenir l’organisme –pendant ce parcours éprouvant- par des thérapies douces, cela résonne comme un lot de consolation : homéopathie, phytothérapie, naturopathie, luminothérapie, ostéopathie….
NOS ANIMAUX DE COMPAGNIE ONT DU TALENT ! Chats et chiens font d’incroyables détecteurs de vos maladies, et cela se confirme dans le cas du cancer du sein .
En exemple M. D., 65 ans et son chat : « J’ai un chat, très câlin, il rode sur le canapé dès que je m’y pose et il dort et ronronne tout contre moi : je me suis rendu compte tout d’un coup qu’il prenait l’habitude de poser sa tête sur mon sein droit ; ça a ruminé dans ma tête, et, à tout hasard j’ai suivi une intuition et pris rendez-vous chez mon gynécologue : verdict, cancer du sein droit, diagnostiqué, à temps, grâce à mon minet !
Le programme Kdog de l’Institut Curie s’intéresse, en revanche, aux chiens pour leur capacité à « renifler » le cancer. Après un apprentissage basé sur le jeu, ils font preuve d’un talent étonnant : parmi des lingettes imbibées de sueur, le chien sait identifier (dans 79% des cas) celles des femmes atteintes d’un cancer du sein !
CANCER DU SEIN : QUID DE LA FÉMINITÉ ET DE LA SEXUALITÉ ? Si le sein est vénéré par tous les peintres et poètes du monde, de tous temps, c’est bien qu’il a un goût prononcé de sensualité aux yeux des hommes !
« Un sein, c’est rond, c’est chaud. Si Dieu n’avait créé la gorge de la femme, je ne sais si j’aurais été peintre. » Pierre-Auguste Renoir
« Quand, les deux yeux fermés, en un chaud soir d’automne, Je respire l’odeur de ton sein chaleureux, Je vois se dérouler des rivages heureux, Qu’éblouissent les feux d’un soleil monotone. » Charles Baudelaire
C’est pour cela que la perte d’un sein ou sa déformation peut avoir une forte répercussion sur la sexualité du couple et la sensualité de la femme aux yeux du conjoint : Brigitte Lahaye l’exprime parfaitement ! » PERDRE UN SEIN EST UNE RÉELLE AMPUTATION »
« Lorsque le verdict du cancer du sein tombe, c’est toujours une terrible blessure narcissique pour la femme, même si elle a eu les enfants qu’elle désirait, même si elle a renoncé à sa vie sexuelle. Perdre un sein est une réelle amputation.
« Je conseille toujours de profiter d’une prise en charge thérapeutique (elles sont de plus en plus proposées maintenant dans les services hospitaliers) afin de mieux analyser les répercussions que provoque cette annonce qui touche de plein fouet l’identité féminine. Car le désir et le plaisir ne peuvent se maintenir si l’identité est défaillante. L’annonce d’un cancer met la plupart du temps à mal le désir mais, lorsqu’il s’agit d’un cancer en résonance avec l’identité sexuelle, ce qui est évidemment le cas avec le cancer du sein, cela peut totalement stopper le désir. Certaines femmes décident même de mettre un terme à leur couple plutôt que de prendre le risque de se montrer « diminuée » lorsqu’il y a eu une mastectomie. Bien sûr il est possible d’avoir recours à une chirurgie de reconstitution, mais il est essentiel de prendre le temps. Le sein n’a plus de mamelon et il n’a plus non plus la même consistance, sans oublier les sensations qui sont absentes. D’où la nécessité absolue d’avoir intégré cette perte. La poitrine ne sera jamais plus la même, en précipitant l’acte chirurgical, la déception n’en serait que plus grande. Chaque femme doit donner du sens à ce qui lui est arrivé. La féminité et la séduction ne se situent jamais dans un contexte de beauté parfaite. La sexualité féminine consiste à donner et recevoir, seules les femmes qui ont compris cela sont épanouies dans leur vie affective. Alors cette épreuve est l’occasion de devenir femme de l’intérieur en acceptant d’avoir perdu un peu pour gagner cette rencontre avec soi. »
» CHAQUE FEMME DOIT DONNER DU SENS À CE QUI LUI EST ARRIVÉ. »
» Il s’agit de franchir la zone d’ombre qui renvoie à la mort pour en sortir illuminée, habitée d’une envie de vivre et ce désir nourri de l’intérieur permet d’accepter ce nouveau corps. En effet, les femmes qui après un cancer du sein retrouvent un désir décuplé avouent être bien plus épanouies dans leur vie sexuelle qu’avant, mais bien sûr ce constat survient après une longue période de doute, de peur, de souffrance…Dans un couple, il est essentiel de ne pas se sentir obligé d’avoir des rapports sexuels. En revanche, il faut maintenir une intimité à base de tendresse voire de caresses si possible. L’homme se doit d’être patient, mais il a lui aussi souvent besoin d’être suivi par un thérapeute pour pouvoir évacuer son malaise. Là encore, comme pour toutes les épreuves de la vie, le couple peut en sortir plus fort et la sexualité sera différente ensuite, mais souvent plus intense. Comme si ce moment douloureux avait permis un rapprochement en profondeur. «